L’Agriculture au secours du développement de la Rd-Congo. Quelles stratégies de lutte contre la pauvreté? (Ndona Kayamba Roger)

Pour remédier à cet état de fait, la RD-Congo doit évaluer concrètement
les programmes de lutte contre la pauvreté en usant des méthodes
révolutionnaires propres à son environnement sociologique ;

des méthodes qui permettent de répondre à de nombreuses
questions telles que:

 comment rendre plus efficace l’encadrement des paysans congolais ?

 comment améliorer le
bien-être de ces hommes et femmes à moindre coût ?

 comment lutter contre l’exode
rural et comment privilégier la sédentarisation des paysans ?

 

L’agriculture est la réponse
à cette série des questions[1].
Elle est le préalable non seulement au bien-être social, mais aussi à la
liberté de tout un peuple.
En effet, en dépit du rétablissement
de certains équilibres macroéconomiques et malgré les discours politiques
volontaristes, la pauvreté persiste et n’a pas reculé d’un pouce en RD-Congo.
Il nous faut donc nous rendre à l’évidence, que les stratégies suivies jusqu’à
présent n’ont pas produit l’effet escompté. La croissance économique exclusive
ne suffit donc pas pour lutter contre la pauvreté. A défaut de l’éradiquer à
jamais, ne faut-il pas s’atteler à la réduire ? Comment s’y prendre ? Posons
quelques jalons.

Les congolais, toutes
générations confondues, se souviendront que depuis des années, le rêve de tous
ses dirigeants est de faire de la
RD-Congo « un territoire sans pauvreté». Les années
Mobutu affichaient ostensiblement sa préoccupation pour la thématique de la
lutte contre la pauvreté, pour faire du Zaïre d’alors « un grainier de
l’Afrique ». Les législatures Kabila père et fils ont fait entrer la lutte
contre la pauvreté dans leurs discours et leurs pratiques de développement.
Aujourd’hui, au moment où se mettent en place les institutions issues des
élections du 28 novembre 2011, le thème doit être transformé en véritable
leitmotiv consensuel de toutes les provinces du pays pour son développement.
C’est notre souhait le plus ardent.

De cette vision de la
problématique de la pauvreté telle qu’elle se pose dans notre pays découlent deux
observations logiques. Il s’agit d’une part de relever la dimension politique
de la pauvreté à partir de laquelle toute politique de développement doit être
construite. Il s’agit d’autre part de souligner l’intérêt que représentent, par
rapport aux législatures passées, les ouvertures politiques et sociétales qui
doivent intégrer les critiques formulées à leur égard dans les nouvelles
stratégies à mettre sur pied contre la pauvreté.

Mais, avant de poursuivre notre plaidoyer, arrêtons-nous
un instant et demandons-nous : 

· Pourquoi sommes-nous
pauvres ?

· Pourquoi la RD-Congo est si pauvre ?

· Est-ce parce que le congolais
a toujours eu de faibles revenus ?

· Est-ce par manque
d’instruction et de mauvaise santé ?

Non, c’est plus le système
d’inégalité, les défaillances des programmes d’instruction, les barrières
sociales, la vulnérabilité des personnes, l’ignorance des cultures et de la
dignité humaine par ses autorités. S’y ajoutent les conséquences des conflits,
la désarticulation du système économico-social issu
directement d’une désarticulation entre l’autorité de tutelle et la population
agricole paysanne.

Autrefois, le paysan congolais
était fortement impliqué dans l’agriculture substantielle et industrielle
étroitement elle-même liée aux conditions d’émergence de la Nation Congolaise
en 1960. Aujourd’hui, cette situation est très paradoxale. D’une part, c’est le
paysan le plus performant du continent qui a su hisser le pays au rang de
grands producteurs agricoles mondiaux par l’émergence d’une culture paysanne
très vivace en mode d’organisation autour de la famille élargie. Mais, cette
culture paysanne a été bloquée dans son développement matériel par un Etat
oligarchique qui ne privilégie que les intérêts personnels. D’autre part la
crise d’emploi créée par l’inadéquation de la politique agricole constitue une
des causes majeures de la crise sociale paysanne, la pauvreté au sens physique
du terme.

Comment en sortir ? 

Pour réduire tant soit peu la
pauvreté en RD-Congo, les autorités ont l’obligation de dresser un programme
stratégique pour cela. Ce programme ou feuille de route permettra de parvenir à
des résultats qui bénéficieront aux paysans. Une telle stratégie donnera une
perspective globale à long terme d’un développement harmonieux et durable qui
contribuera à l’éradication de la pauvreté.
 (Lire : « Légitime
ambition » sur http://www.uniband.org
).

Pour parvenir au développement
durable, il faut des grandes infrastructures rurales qui permettront le
désenclavement des zones rurales – la connexion avec les villes. Ce sont ces
infrastructures qui détermineront dans une large mesure les coûts de
commercialisation et par conséquent, réduiront sans forcer les choses, l’exode
rural au profit de la sédentarisation des paysans. C'est dans les routes de desserte
agricole, les grands axes routiers, les voies fluviales, les ponts et les bacs
que doit aller le gros des investissements. Suivra ensuite le développement de
la masse paysanne et de fait l’anéantissement de la pauvreté. (Lire : « Au Combat
pour endiguer la malnutrition en RDC » sur http:// www.congoforum.be ).

La stratégie que nous
proposons pour assurer une éradication durable de la pauvreté s’articule sur les
volets suivants :

1. les conditions préalables :

a) Assurer un recensement systématique
des groupes des spécialistes et experts congolais : des agronomes, du plus
jeune au plus vieux encore actif, et ainsi chercher à remettre leurs compétences
techniques au service de l’agriculture congolaise.

b) Recenser toutes les
plantations et unités d’exploitations agricoles partout en RD-Congo, toutes les
plantations industrielles et semi-industrielles étant en jachère forcée depuis
des décennies.

c) Réhabiliter toutes ces
plantations en mettant des compétences à leur service tout en évitant les
erreurs de la fameuse zaïrianisation.

d) Créer
des filières agricoles viables.
La vision
des filières agricoles en République Démocratique du Congo repose avant tout,
sur l’engagement organisationnel de la Filière elle-même en vue de disposer, à terme,
des instruments essentiels de planification, de gestion et d’aide à la décision
susceptible d’asseoir des stratégies efficaces de développement, répondant au
mieux aux aspirations socio-économiques des producteurs, expéditeurs, grossistes,
distributeurs, détaillants et des consommateurs.

(Voir : « Un mot sur la filière agricole en RDC » sur http://www.uniband.org ).

2. Les
secteurs prioritaires :

Réduire la pauvreté de façon significative signifie prioriser
les secteurs clés de productivité du ressort agricole. Les secteurs
prioritaires en ce qui concerne l’agriculture concerne les types des cultures
qu’il faut obligatoirement réhabiliter (sic).

Il s’agit ainsi des cultures :

a) pérennes qui sont
surtout des cultures d’exportation. Elles ont jadis fait et peuvent aujourd’hui
encore refaire notre bonheur :

 

 I. L’hévéa, dont les grandes plantations se trouvent à l’Équateur :
Elongo, Boango, Bosinga, Watsi etc.

 

 II. Le palmier à huile à Masi-Manimba, Lusanga, Mokamo dans le Bandundu,
Yokamba, Bokoli, dans la Tshuapa
et Bengamisa dans la Tshopo,
Ebomba et Yaligimba dans la Mongala…
(en 1958, la RD-Congo
était premier exportateur mondial de l’huile de palme)

 

 III. Le café dans presque toute la RD-Congo

 

 IV. Le thé dans les Kivu

 

 V. Le cacao dans le Bandundu et la Province Orientale

 

 VI. L’ananas et la banane

Production (tonnes) des cultures
pérennes en RD-Congo en 1958

 Production Production Total Exportations % de la valeur totale des

CULTURE   industrielle familiale     exportations
De la RDC

 

Caoutchouc 33.279 3.576 36.855 35.855 4,13

Huile
de palme 74.680 11.337 222.879 (2) 164.513 12,51 (3)

Cacao 4.782 19 4.801 4.878 0,98

Café
robusta 38.779 6.608 45.387 43.580 8,20

Café
arabica (1) 7.281 19.166 26.447 26.579 5,47

Thé 2.523 9 2.532 2.465 0,39

 

Source: Van
de Walle, Essai d'une planification de l'économie agricole congolaise, INEAC,
Série technique No 16, Yangambi, 1960

(1) y
compris le Rwanda Urundi

(2) y compris la cueillette des palmiers naturels

(3) y compris les fruits de palme et noix palmistes

 

b) vivrières (manioc,
maïs, riz, arachide, haricot, soya, banane et plantain, pomme de terre,   blé,
 canne à sucre…) dans toute l’étendue de la RD-Congo

c)  maraîchères dans tout le pays et avec
un point focal dans les Kivu.

d) autres cultures : le coton, la
canne à sucre, etc.

Toutes ces cultures sont
aujourd’hui à l’abandon depuis la période du pays-zaïre (sic).

Et donc :

La volonté politique de lutter
contre la pauvreté dans le milieu paysan doit être présente en RD-Congo. Ceci
est fonction de résolution des problèmes d’ordre technique, de manque d’argent,
mais également des problèmes tels que la corruption ou les mentalités qui sont
à l’origine des résultats souvent trop faibles des politiques publiques ou des
réformes entreprises dans le domaine de la lutte contre la pauvreté. En
réalité, même si la volonté politique et les stratégies ne manquent pas, ce
sont souvent le manque de moyens et l’application effective de ces politiques
qui font défaut.

Pour cela :

Il
faut établir un plan, qui doit être basé sur l’objectif de palier la crise
économique, de garantir l’accès des paysans aux services de base dans un
système démocratique consolidé, dans un exercice décentralisé du pouvoir public
et un Etat de droit renforcé. Ainsi, le développement agricole est nécessaire
et sera encouragé par le biais de distribution de terres et la livraison
d’engrais à de petits agriculteurs, la fourniture des machines et d’équipements
agricoles. Cependant, pour pouvoir réduire la pauvreté dans les milieux ruraux,
le Plan devra tenir compte de la diversification des activités économiques dans
les secteurs ruraux. Ainsi, pour parvenir à réduire la pauvreté, le gouvernement
devra agir sur les
principes suivants:

 · Réorientation des fonds
publics vers les secteurs ruraux les plus pauvres.

 · Gestion publique efficace et
transparente en matière de prélèvements fiscaux et de rationalisation des frais
publics.

 · Décentralisation des services
de l’Etat.

Participation
des citoyens pour garantir l’efficacité de la gestion publique. 

Et enfin :

3. la mobilisation des ressources.

Par
une démarche consensuelle et un contrat de solidarité, la RD-Congo doit aboutir à
une stratégie fiable, réaliste et pragmatique. Elle doit donc fonder sa vision
d’éradiquer la pauvreté en ce que les fruits de la croissance reviennent à
tous. Il faut subséquemment que les congolais agissent ensemble et dès à
présent, en se souvenant que la pauvreté est le produit de plusieurs facteurs,
qu’il est possible d’identifier et de combattre.

En effet, si nous congolais
n’arrivons pas à nous unir autour d’une initiative capable de réorganiser
définitivement notre pays et d’améliorer durablement la vie de ses habitants, nous
perdrons d’avantage une occasion qui ne se représentera pas de sitôt. Le
Congolais doit oser lutter et vaincre pour s’en sortir.

La lutte contre la pauvreté en
Rd-Congo doit d’abord être l’affaire des congolais. Ils le peuvent à la stratégie
qu’ils adopteront pour la réduction de la pauvreté. Et cette occasion leur est
offerte de belle manière par le biais de l’agriculture.

La pauvreté ne peut donc pas
être utilisée par les gouvernants congolais comme un instrument pour asseoir leur
domination, mais comme un phénomène social à éradiquer, ce qui est une question
de légitimité, de dignité et de liberté.

La RD-Congo
à travers ses autorités doit ressentir la nécessité de prendre en compte la
pauvreté de la masse populaire, d’une part pour une question de justice, et,
d’autre part, pour que cela puisse servir l’émergence d’un système de
développement social.

La RD-Congo
n’a pas besoin des pauvres pour justifier son existence et son engagement, mais
 elle a besoin d’être efficace dans sa
lutte pour la réduction de la pauvreté. Pour ce faire, elle doit mettre directement
en place un certain nombre de projets spécifiques capables d’apporter un soutien
direct aux plus pauvres. Il s’agit des projets dont le but est d’effectuer des
transferts directs au bénéfice des familles les plus pauvres parmi la
population, en milieu rural comme en milieu urbain.

En RD-Congo, il n’y a pas que
le diamant, l’or, le cobalt, le cuivre, le coltan, etc. qui peuvent amener au
développement du pays. L’agriculture a été une source de revenu non négligeable
de nos populations avant et pendant la colonisation. La réorientation des
efforts vers une agriculture soutenue est donc l’une des voies de sortie de la
pauvreté.

Nous espérons que cette
contribution va aider à établir l'état des lieux. Ensemble avec l’aide et
l’engagement de tout le monde, gouvernement, populations et experts, on peut
parvenir à anéantir voir à réduire sensiblement la pauvreté en RD-Congo. 

A
Vienne/Autriche

Professeur
Ndona Kayamba Roger

Chercheur,

Expert
en production végétale



[1] Je vais paraphraser
ici Socrate qui disait, il y a vingt-deux siècles que : «Lorsque l’agriculture
prospère, tous les autres arts fleurissent avec elle. Mais quand on abandonne
la culture pour quelque cause que ce soit, tous les autres travaux
s’anéantissent en même temps.»

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